2010
Mood Machine
Éditions Rougier (2013). Extraits parus dans les revues Verso et Borborygmes.
Une légère contrainte à la racine de Mood Machine : chaque poème est dédié à une consonne, dont le rôle est d’être l’initiale de la majorité des mots. La majorité seulement ! Car la vocation de cette contrainte est bien de tisser la toile de compositions qui doivent pouvoir garder la souplesse d’un jeu narratif – et non de les asservir à des limites purement gratuites ou spéculatives. Cette pratique m’a permis d’ouvrir et de faire se refermer des microcosmes sensibles, de découvrir des dynamiques formelles ainsi que des champs lexicaux récurrents. Dans ce recueil, il est souvent question d’univers qui s’entrecroisent, s’interpénètrent, se tuilent. Qui cohabitent avec la transparence de certaines aquarelles dont les teintes peuvent se superposer sans se perdre réellement, tout en créant malgré tout une unité d’ensemble qui ne peut réellement exister que dans l’interstice même de leur rencontre. Pour chacune des consonnes, des champs lexicaux sont sortis de manière spontanée, et on retrouvera notamment au fil des poèmes des éléments marins, des éléments guerriers, des éléments tropicaux, animaux, magico-religieux, des décors naturels ou de géométrie abstraite... et aussi l’irrupion de tâches de couleurs brutes. A un certain point de la composition, il a été donné à la conscience d’assembler et classer ces champs lexicaux par paires d’oppositions - pertinentes ou impertinentes - à partir de quoi cette même conscience s’est mise à inventer des histoires, à tendre des scenarii possibles, qu’il a fallu bien vite oublier, par la force même des mots et de leur consonnance, par la nécessité d’élaguer, aussi, pour se retrouver face aux poèmes, et à la seule éventuelle trace de ce qui a été le fondement de leur composition.
Des sons pour trouver des mots, donc, puis des mots pour créer un sens, et puis... virer le sens, et virer des mots ! Cependant le principe d’opposition binaire lié à la cohabitation de champs a souvent été conservé. Il faut être deux (au moins) pour créer un monde, pour se refermer sur soi avant de devenir autre chose que soi-même. Non ? Le résultat relève souvent de l’ordre du paysage et de la lenteur. La lenteur d’une vie organique qui auto-gère ses frontières, ses lisières. Quitte à parfois les transgresser. Certains poèmes ont été senti directement pour être dits, et leur forme contient déjà des propositions musicales d’ordre rythmique, qui peuvent être décrites ponctuellement au sein du texte. De plus, chacun d’eux est suivi d’une courte réplique, forme de petite interprétation libérée de contraintes. Bref commentaire écrit à la manière d’un double d’une danse baroque, ou de titres de préludes impressionnistes... Une clé qui n’en est pas une.
Mood Machine a donné lieu à une "forme de chambre " en trio, dont des extraits sont audibles dans la rubrique création scénique.