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2023 (en projet)

Cette vieille

Note d'intention

Cette pièce met en scène l’énigme fondatrice entourant le départ d’un père, la mort lente d’une mère, et la présence immobile et rassurante d’un pêcheur au bord du fleuve. Toute parole est alors ramenée au silence, à sa perte, ou au non-sens. La mère agonisante ne s’exprime que par l’énumération de prénoms d’homme, égrainés un à un, que le fils cherche à interrompre et qui se résout finalement dans le dénudement d’un chant. Le fils s’évertue quant à lui à tisser un récit concernant le départ de son père qui ne se développe que sous forme de variations qui jamais n’aboutissent à une chute acceptable, et que personne, de toute façon, n’écoute. Et l’attention que le pêcheur prête au fils n’est que silence, prolongé dans l’attente, à moins qu’il ne lui livre un conte, qui n’est qu’une énigme de plus. De ce conte ne subsistera qu’une comptine, elle-même vite oubliée et ne se manifestant sporadiquement que sous forme de sons vocaliques remontant dans sa gorge à la manière d’une hantise. Plus tard, ce sera le renoncement à dompter par les mots le paysage nouveau dans lequel il s’inscrira, que ce fils devenu homme finira par réussir à y vivre.

« Il y a trois sortes d’hommes : les vivants, les morts, et ceux qui vont sur la mer ».  Cette citation, attribuée à Aristote, illustre pour moi la place allégorique du pêcheur. Dans une pièce écrite précédemment (« île », 2013), ce personnage devait être incarné par un conteur – avec l’idée qu’il puisse se réapproprier par son art le texte écrit. Dans ce contexte, il était celui par lequel l’histoire pouvait se raconter d’un autre point de vue, en marge de l’intrigue principale. Dans la pièce « Le pêcheur », il est devenu le personnage central, mais reste paradoxalement silencieux. Il incarne l’idée d’un récit oublié, dont la quête inconsciente est un enjeu de survie.

En termes d’écriture, cette pièce mise sur un jeu avec les déclinaisons du « dire » - récit, conte, comptine -, en s’intéressant particulièrement à la relation des Humains aux noms – appel, incantation, description, et à ce qu’ils y engagent, émotionnellement, dans les différentes configurations où ces noms les mettent en lien avec leurs pairs, leur environnement, mais aussi avec leur imaginaire.

Il s’agit de faire s’entrecroiser différents types de discours – récits sur le mode du commérage ou de la confidence, contes, et scènes – correspondant à des temporalités différentes, permettant une mise en tension entre ce qui peut être vécu, perçu, remémoré, rapporté, d’une même situation. Dans cette proposition, le récit n’est pas évacué, mais soumis à variation. Les scènes à proprement parler se focalisent sur des gestes essentiels, des moments sur lesquels la mémoire revient, élabore, travaille, qui justifient le parcours des personnages.

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